Rencontre avec le Docteure Françoise Cerexhe, docteure en santé publique de l’UCLouvain, infirmière et spécialisée en soins palliatifs. En 2012 , elle fut la promotrice de la thèse de doctorat du professeur Mashinda, médecin de l’Université de Kinshasa. Cette thèse intitulée : « Evaluation de la prise en charge des maladies chroniques en phase terminale aux cliniques universitaires de Kinshasa – cas de cancer », a lancé directement le défi de mettre concrètement en route les soins palliatifs en République Démocratique du Congo.
Des visites régulières du Professeur Mashinda sont organisées en Belgique et c’est lors de l’une d’elles, en avril 2024, que nous avons pu le rencontrer et confronter nos réalités sur le terrain. Le Docteure Cerexhe a accepté de nous donner quelques informations complémentaires sur le développement des soins palliatifs au Congo.
Docteure Cerexhe, pouvez-vous nous en dire plus sur le lancement de ce projet ?
En juillet 2012, le professeur Désiré Mashinda, initie primo, la formation interdisciplinaire de soignants en soins palliatifs à l’hôpital universitaire de Kinshasa et secundo, y créée une unité spécialisée dans ces soins. Les formations se poursuivent !
Depuis des années, je me rends régulièrement à Kinshasa mais aussi dans diverses grandes villes (Lubumbashi, Kikwit, Kolwezi, Matadi ou Kisangani) pour former les soignants hospitaliers ou non. Nous accompagnons aussi des équipes mobiles nées de l’ANCSP à domicile ou les équipes des camps de l’armée ou de la police qui tiennent réellement à aider leurs membres en fin de vie.
Le confinement lié au Covid fut l’occasion de mettre sur pieds presque 40 formations en visioconférences entre Bruxelles et la RDC ! Tous les thèmes sont abordés (gestion de la douleur, accompagnement spirituel et fin de vie, souffrance des soignants, gestion des symptômes, rôle infirmier et du médecin…). In fine, « Tout peut y être discuté » ! Des interpellations éthiques face au manque flagrant de moyens malgré une motivation et solidarité des équipes… Aux questions économiques puisque le patient paie tout jusqu’à la simple aiguille, le sparadrap ou les 500 CC de morphine orale à +/-15 dollars. Tout le matériel est en vente dans les pharmacies de la ville ou à l’hôpital pour celui plus spécifique… mais il doit être obligatoirement acquis avant que le patient puisse être soigné même si c’est urgent!
Fin décembre 2021 nait l’Association Nationale congolaise de Soins Palliatifs (ANCSP). Acte notarié validé, à ce jour, cette association (la 1ière en RDC) compte déjà +/- 1000 membres. Septembre 2024 va marquer l’histoire de l’ANCSP par la réalisation de son premier symposium. Le programme est très vairé et se veut interactif avec le soutien de l’Ambassade de Belgique en RDC, de l’OMS et de nombreux hôpitaux.
Grâce aux dons ‘belges’ en particulier, au soutien de la SIO ou de Pink Belgique….nous offrons médicaments, pompes à morphine et autres matériels médicaux, habits et jeux enfants en fin de vie ou sous-vêtements pour femmes mamectomisées car nous avons aussi l’objectif d’aider ‘en amont’ du stade terminal….
Quels sont les défis majeurs auxquels est confrontée l’ANCSP?
- La couverture de soins universelle pour toutes les personnes en fin de vie mais… cela dépasse le ‘pouvoir’ de l’ANCSP. Le professeur Mashinda récemment nommé comme point focal du gouvernement pour toute la RDC n’hésite pas cependant à faire le plaidoyer relatif aux Soins palliatifs
- L’acceptation d’une médecine allopathique à suivre rapidement et non après de nombreux recours à des tradipraticiens qui retardent le diagnostic et donc les traitements et ruinent patient et proches
- La production (la gratuité ???) et l’acheminement de la morphine dans tout le pays ainsi que la connaissance et l’administration des médicaments de base par les soignants notamment antidouleurs (morphine)
- Les formations initiale et spécifique de ‘qualité’ pour toutes les diverses professions avec la nécessité d‘une formation à la mort en Afrique et à l’accompagnement de celle-ci
- La formation en soins palliatifs avec une sensibilisation en Istm et faculté de médecine, psychologie,…
- « Une culture de la mort » avec un apprentissage social de la fin de vie
- Ect…. les défis sont nombreux !